vendredi 28 mars 2014

Coeur satellite

      Les mots jaillissent de sa cruche comme des rires, comme des fleurs sonores. Il y a même de ses poèmes "que sa peau aime", et que, du coup, notre peu aimie. Jamais rien de grave malgré le sale temps que l'écriture efface, toujours ces pirouettes qui lui permettent de retomber sur ses pieds. Christian est un Janus de mot. Sans doute cette illustre parenté lui vient-elle de sa passion pour le théâtre, pour ces masques de comédie qui souvent occulte la tragédie. De ces soirées enfiévrées à Nantes où apprentis comédiens et metteur en scène passaient leurs nuits à refaire le monde. De ces représentations données dans d'improbables théâtres où les fous rires étaient toujours au bord des lèvres. Car Christian, c'était une voix, une diction, une intensité, une incroyable présence, une profondeur qui avait quelque chose d'un Terzieff ou d'un Arthaud, l'un de ses modèles si je me  souviens bien. Christian, c'était mille idées à la minute, milles idées éparpillées dans les éclats d'un rire fracassant, mille projets, mille promesses,  mille flammes, une énergie portée au plus haut degré d'incandescence. Et il en faut, du feu, pour imposer le théâtre dans un monde qui privilégie l'écran, l'illusion, le consommable. plongée vertigineuse dans les années soixante-dix, ce creuset de créativité vilipendé par certains d'aujourd'hui, cette période abracadabrante où le possible était la loi, où la jeunesse s'abreuvait de révoltes, d'expériences, de délires et de joie. Christian n'a, me semble-t-il, pas renié sa jeunesse. Il a gardé le feu en lui . Feu : écrivez. En quête d'un amour transcendant le temps, à la recherche de l'absolue vérité de l'amour. Essayent de s'envoler sur les ailes des anges, même si les anges parfois se vautrent dans la boue et que leurs ailes sont lourdes de poussières. Ses anges à lui s'appelle Valéry, Alain, Apollinaire, Rimbaud et autres albatros échoués parmi les hommes. Il a aussi gardé sa foi en l'humanité, "même s'il semble plus facile de faire naître un homme que le modifier."
      Toujours prêt à une envolée, à un jeu avec les maux. Se méfiant de Dieu comme d'un produit virulent, il marche sur les traces de ses pairs avec ses semelles trouées et déterre les secrets pondus par les anges au pied des mondes cancérisés. Oui il me semble retrouver dans les mots de Christian cette aspiration à l'absolue vérité embarrassée des dénégations du temps. Jamais est le seul sens de ma voix, aucun atome, aucun infini, aucun dieu, aucun jeu, pas un mot... Le dépouillement ultime, l'arrachement des illusions, là où le temps n'est plus, le temps n'est pas, le temps a été. Ce qui manque c'est l'élévation, le mode sacré, la seconde éternelle. Mais je laisse au lecteur le soin de s'enivrer aux écrits de Christian en espérant un jour les entendre sur une scène, clamés par lui-même, association rêvée de ses aùours de jeunesse et de son oeuvre de mots.


Préface de Pierre Bordage, écrivain de science-fiction, pour le recueil "Coeur satellite" de Christian Deudon


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