vendredi 28 mars 2014

Extrait de "Coeur Satellite"


CHANSON FOSSILE


Au crépuscule, je lui ai parlé de ces vallons perdus
dans les cerveaux des vieilles servantes de l’auberge ;

Je lui ai parlé des avenues tapissées de richesses en cage…

Elle a pris ma main entre les feuillages
et les ordures des temps modernes.

Mes eaux sales, domestiquées au creux d’une mare,
Attendaient depuis ces matins, un rayon de lumière.


Des ombres fortuites amenaient les deux êtres sur la route.


Je lui ai chanté une romance de verts prés au bois mort.

Elle s’est arrêtée
et m’a montré la fontaine lunique jaillissant
entre deux blocs de béton.


Un peintre…
Je l’ai vu au pied d’un ruisseau…
Je l’ai connu éphémère.

Et ne passa qu’un ramasseur d’herbe…

Je n’ai pas vu celui qui était là ;
il y a peut-être vingt ans…
Celui qui me parla des vieux crépuscules
où les soleils arpentaient nos corps.



L’auberge fut loin.

La neuve cité domestiquait le ciel gris,
la terre inouïe…

La campagne ruisselait de choses inédites,
de roses que les poètes antiques avaient oubliées.

Un jour,
elle enfoncera ses yeux dans cette boue poussière
et les fleurs recommenceront leurs tristes corolles
et leurs lumineux pétales.

Je fixai les étoiles que je n’arrivais ni à compter
ni même à voir
à travers la mer des murs…

Dans mes pupilles tournées dans l’en-deçà,
je vis une terre inconnue,
entourée de légendes obscures,
de mots inconnus aux dictionnaires des langues.

J’aurais voulu fixer cette image
afin de la connaître
et l’annoncer aux autres.

Au crépuscule,
elle a choisi un coin de mousse.

Mais le rêve un peu las des monstres de nos pensées,
taillés dans la broussaille,
enflamma le brouillard de la nuit.

Elle vit.

Je vis des gens parler, s’aimer, se comprendre.


Et pourtant,
il n’était plus temps d’attendre ces naïvetés :
penser et croire au lendemain.

Prématurés, les lendemains s’arrêtent un jour
et se rencontrent dans la poussière
et l’inconnu.

Elle m’a dit de prendre ces brindilles :
preuves de cette terre aperçue dans sa pupille.

Mais j’ai froissé les petits arbres…

Ils se sont brisés près de la mer…

Les portes de la nuit annoncèrent leur fermeture.

Nous étions pressés et passagers du crépuscule.

Plus beau que les pierres du paysage défunt,
Le sang attendait ce moment pour sortir du bleu.
Si longtemps qu’il attendait ce moment d’être coloré.

Dans sa pupille,
je voyais maintenant, sombrer à jamais,
l’ image de ces vieux contes.

La ville est calme

Je la parcours

La lune sèche m’observe le long des toits plats

Les derniers éclats de guerre strient le crépuscule

Je tombe

Je n’ai rien vu


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